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Serial reporter

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Voyage et découverte

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La maison picassiette

Bijou d'art naïf d'un rêveur minutieux

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Quiconque a déjà visité Chartres a sûrement été impressionné par sa célèbre cathédrale gothique aux innombrables vitraux. A quelques rues de l'imposant édifice, c'est une bâtisse modeste qui a retenu notre attention. A l'abri des regards, presque cachée comme un trésor singulier, l'accès se fait par une longue allée fleurie. Apparaissent alors les premiers petits objets entravés entre la brique et le ciment.

Maison Picassiette - devanture

Art brut, art naïf, art populaire... La maison baptisée "Picassiette" d'après le surnom de son concepteur est entièrement recouverte de mosaïque. C'est au détour d'un chemin que Raymond Isidore, alors cantonnier de la ville de Chartres, a l'idée de réaliser sa première mosaïque. Il a acheté en 1929 un verger pour y construire sa maison.  Elle est d'abord composée de 3 pièces en enfilade sans eau ni électricité. Le chantier dure deux ans au bout desquels il peut désormais s'y installer avec sa femme Adrienne, veuve de 3 enfants et de 11 ans son aînée. En 1933, ses bouts de vaisselle en main, trouvailles des champs, il décide de réaliser une première mosaïque, un carrelage multicolore.

« J'ai d'abord construit ma maison pour nous abriter. La maison achevee, je me promenais dans les champs quand je vis par hasard, des petits bouts de verre, debris de porcelaine, vaisselle cassee. Je les ramassais sans intention precise, pour leurs couleurs et leur scintillement. J'ai trie le bon, jete le mauvais. Je les ai amonceles dans un coin de mon jardin. Alors l'idee me vint d'en faire une mosaïque, pour décorer ma maison. Au debut je n'envisageais qu'une decoration partielle, se limitant aux murs. »

Raymond Isidore

Raymond_Isidore_immortalisé_par_Doisnea

Raymond Isidore et sa femme Adrienne immortalisés par Doisneau en 1953

Ce qui devait se limiter au sols et aux murs s'étendit rapidement à l'ensemble de la maison. Tout y passe : le lit, les chaises, les pots de fleurs, la tuyauterie et même la machine à coudre d'Adrienne. Bientôt, l'intérieur ne lui suffit plus, il construit alors une chapelle et un logement d'été. Il acquiert une parcelle de terrain pour y aménager un jardin. 

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Raymond Isidore a passé 29 000 heures à décorer sa maison. Il a utilisé près de 15 tonnes de débris de faïence, verre et vaisselle. Il accomplit ce travail minutieux totalement seul, charriant des sacs pouvait aller jusqu'à 80 kg.  

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« Il allait chercher ses silex aux carrières de la ville avec une petite carriole qu'il traînait comme un forcene. Les morceaux de faïence il en recupere un peu à la salle des ventes, avec des livres. »

Adrienne Rolland

S'il reçoit quelques visiteurs curieux de son vivant, son oeuvre est souvent raillée par ceux qui le connaissaient... Une incompréhension semblable à celle qu'a vécue un autre artiste et qui a inspiré le surnom d'Isidore : Picasso. Cependant, en 1981, après la mort du couple Isidore, la ville de Chartres achète la Maison Picassiette qui devient monument historique deux ans plus tard. Reconnaissance tardive d'une oeuvre originale mais dont la visite continue d'enthousiasmer de nombreux visiteurs chaque année.

« On a achete un petit morceau de terrain à un voisin et on a bâti 3 petites pièces pour commencer. Une fois ces 3 pièces terminees, il lui fallait de la place, il s'est mis à travailler sur un deuxième logement. Les gens commençaient à venir visiter l'interieur du premier logement. Il etait heureux qu'on vienne le voir.  »

Adrienne Rolland

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La maison vue de l'extérieur
La maison vue de l'extérieur

La maison vue de l'extérieur

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Maison picassiette - chambre

La maison vue de l'intérieur

L'intérieur de la maison est modeste. Une table, un poêle, un lit, une machine à coudre pour Adrienne, le tout obsessionnellement recouvert de mosaïque. Picassiette s'est inspiré du patrimoine chartrain, sa ville natale : derrière le lit, on aperçoit le pont Saint Hilaire et la cathédrale en arrière plan. Cette dernière sera mise à l'honneur à plusieurs reprises. C'est vraisemblablement un symbole important pour Isidore qui, enfant, aurait miraculeusement recouvré la vue après un épisode de cécité (ou plus certainement psychosomatique) dans cette même cathédrale en embrassant les pieds de la Vierge au Pilier. Le mur de la cuisine, lui, présente une vue du Mont Saint-Michel.

Maison picassiette - chapelle
Maison picassiette - chappelle

La chapelle

Maison picassiette - tombeau de l'esprit
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Le tombeau de l'esprit

Maison picassiette - tombeau de l'esprit

Raymond Isidore est un fervent croyant. Le thème religieux et les symboles chrétiens sont omniprésents dans la maison Picassiette : Isidore a construit sa propre chapelle et ce qu'il appelle "le tombeau de l'esprit" pour se recueillir. 

« Il aimait beaucoup lire, son livre de chevet c'etait la bible."  »

Adrienne Rolland

Dans le jardin, Isidore donne sa version morcelée du Mur des Lamentations de Jérusalem. Plus loin dans la statueraie, un portrait d'Adrienne et Isidore fait face à une tour Eiffel miniature, allusion à la capitale parisienne toute proche.

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« Mon jardin, c’est le Rêve realise : c’est le rêve de la vie où l’on vit en esprit dans l’eternite »

Raymond Isidore

Maison picassiette - jardin
Maison picassiette - jardin
Maison picassiette - jardin
Maison picassiette - jardin
Maison picassiette - jardin

Le jardin (parvis de Jérusalem)

Maison picassiette - jardin
Maison picassiette - jardin
Maison picassiette - jardin

Le jardin (la satueraie)

Maison picassiette - maison d'été
Maison picassiette - maison d'été

La maison d'été

Maison picassiette - cour noire
Maison picassiette - chaise du balayeur

La cour noire (à droite, la chaise dite "du balayeur")

« La nuit me dictait ce que j’avais à faire, je voyais mon motif devant moi comme s’il existait vraiment. Je me levais en hâte et me mettais immédiatement au travail. Je ne choisissais aucun element. Les morceaux de porcelaine ou de faïence se trouvaient à ma portee, prêts à être utilises. Moi, qui n’ai jamais su dessiner de ma vie, je ne comprends pas encore comment je suis arrive à un pareil resultat. »

Raymond Isidore

« Il etait possede. A tout heure du jour ou de la nuit, il venait poser des bouts d’assiette. Au cours d’un repas si l’inspiration lui arrivait, il se levait de table, laissait le plat refroidir et venait poser deux trois bouts d’assiette sur un visage. (...) Il a toujours ete modeste. C’etait pas son oeuvre, quelque chose qui lui etait commande. Il etait guide et il obeissait. »

Bernard Roland, son beau-fils

Raymond Isidore - photo Jacques Verroust

Isidore a puisé l'inspiration dans ses rêves nocturnes. Les morceaux d'assiettes sont assemblés par la main de l'inconscient. Et c'est justement ce qui confère au lieu - ironiquement placé dans la rue "du repos" - cette atmosphère onirique et suspendue. De fresque en fresque, le visiteur circule librement dans l'intériorité de son créateur. La visite revêt des allures de pèlerinage de Chartres à l'Orient, un premier niveau d'interprétation et projet conscient d'Isidore pour Paul Fuks. Ce psychanalyste, auteur de l'article "Les rêves de porcelaine de Picassiette", a tenté de décrypter le sens caché des mosaïques. Selon lui, derrière les références à la ville de Chartres, se cache la métaphore d'une mère "toute puissante" et dans les allusions à l'Orient, le traumatisme d'un père absent "car voyageant pour son métier en terre d’Islam". 

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Au delà des interprétations, le Picassiette semble avoir voulu apaiser le morcellement de son être dans une quête impossible de la réunification. Vers la fin de sa vie, Raymond Isidore sera ponctué par plusieurs séjours en asile psychiatrique. Il prophétise la fin du monde, se pense un descendant du Christ. L'avant-veille de son anniversaire, en proie à une crise démentielle sous un violent orage, il fuit dans la campagne. On ne le retrouvera que deux jours plus tard, hagard dans un fossé et ayant ingéré de la terre. Il meurt chez lui, entouré de ses mosaïques, quelques jours plus tard.

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Raymond Isidore est enterré au cimetière Saint-Chéron, celui même qu'il a longtemps balayé.

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« On m’a mis balayeur dans un cimetière comme quelqu’un qu’on rejette parmi les morts, alors que j’ai des capacites pour faire quelque chose, ainsi que je l’ai prouve. »

Raymond Isidore

Assez étonnament, sa dernière demeure est dépourvue de mosaïque... En 2018, l'association 3R s'inspire de l'oeuvre du Picassiette pour recouvrir son tombeau et permettre ainsi à Raymond Isidore le rêve éternel avec vue sur la cathédrale de Chartres.

« Je pense trop, je pense la nuit, aux autres qui sont malheureux (…) Je voudrais leur expliquer, l'esprit m'a dicte ce que je devais faire pour embellir la vie. Beaucoup de gens pourraient en faire autant mais ils n'osent pas. Moi, j'ai pris mes mains et elles m'ont rendu heureux (…) Nous sommes dans un siècle pas bien. Je voudrais qu'en parlant d'ici les gens aient envie de vivre parmi les fleurs et dans la beaute. Je cherche une voie pour que les hommes sortent de leur misère »

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Raymond Isidore (1900-1964)

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Sources : 

- « Vie privée | Cairn.info ». s. d. Consulté le 16 octobre 2020. https://www.cairn.info/vie-privee.php#cookies.

- « Présentation ». s. d. maisonpicassiettes jimdo page! Consulté le 16 octobre 2020. http://maisonpicassiette.jimdofree.com/.

- « Maison Picassiette ». s. d. Consulté le 16 octobre 2020. /fr/maison-picassiette/.

- "Le Jardin d'Assiettes" de Paul Fucks

- La maison Picassiette de Chartres dans « Il était... une œuvre ». 2018. https://www.youtube.com/watch?v=fINPCjxS8j4.

- « Maison Picassiette, l’insolite ». s. d. Consulté le 16 octobre 2020. https://www.chartres-tourisme.com/explorez/maisons-remarquables/maison-picassiette.

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