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Serial reporter

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Expériences insolites

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J'ai... marche sur la ligne equatoriale

Latitud 0;0;0, voyage au milieu du monde

En 1743, la première expédition géodésique française chargée d’étudier la forme de la Terre établissait l’emplacement de la ligne équinoxiale à proximité de Quito en Equateur. A cette époque, l’Equateur fait partie de la Real Audiencia de Quito, juridiction de la couronne espagnole. Ce n’est qu’en 1830 que le pays proclamera son indépendance. Inspiré par l’expédition scientifique, les dirigeants choisissent le nom « Equateur » (du latin « aequator », celui qui égale) pour ce pays placé à la moitié du monde.

 

A Quito, nous sommes partis à la recherche de cette ligne énigmatique et imaginaire qui sépare les deux hémisphères.

La première mission geodesique française (1736-1743) :

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Géodésie : l'étude des dimensions et de la forme de la terre

Dans la 1ère moitié du XVIIIème siècle, un débat fait rage entre les plus grands scientifiques de l’Académique des Sciences. Cette querelle a pour sujet la forme de la Terre et oppose les Newtoniens aux Cassiniens. Les premiers suivent l’hypothèse de Newton selon laquelle la Terre est une ellipsoïde aplatie aux pôles. Les seconds adhèrent à la thèse de Cassini, qui s’appuyant sur des mesures réalisées en France, soutient que la Terre est allongée selon l’axe polaire.

Pour trancher la question, l’Académie décide d’organiser une mission en Amérique du Sud qui aura pour objectif de mesurer un arc du méridien. Le choix se porte sur l’Equateur car ce pays offre une sécurité suffisante et bénéficie de chaînes de montagnes élevées et parallèles idéales pour les calculs de triangulation géodésique. La première mission géodésique française débute en 1736. L’expédition est menée par le mathématicien Louis Godin et compte parmi ses membres, le mathématicien et physicien Pierre Bouguer, le chimiste et géographe Charles de la Condamine et le naturaliste Joseph de Jussieu.

8 ans plus tard, en 1743, les premiers résultats confirment la théorie de Newton et permettent une première approximation de la forme de la Terre. De ces travaux découlent la fixation du mètre étalon tel qu’il est connu aujourd’hui (le mètre étant désigné comme le dix-millionième du quart du méridien terrestre).

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Représentation des méridiens terrestres (adapté de Wikipédia) 

Un méridien correspond à une demi ellipse reliant les deux pôles, les points de même longitude appartiennent à un méridien. Un arc de méridien est calculé entre deux points de latitude différente.

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Méthode de la triangulation

Grâce aux données d'angles et de distances relevées sur le terrain et aux propriétés de base des triangles (somme des angles et sinus/cosinus), il est possible de calculer la distance AM. Afin d'obtenir la valeur d'un arc de méridien, des triangles sont construits de façon juxtaposée autour de ce segment. Chaque calcul de longueur des morceaux de méridien s'effectue de proche en proche.

En 1791, Delambre et Méchain calculeront l'arc de méridien joignant Dunkerque à Barcelone en utilisant cette méthode. 

Pour plus d'informations sur les calculs consulter ce lien d'Eduscol

El monumento ecuatorial :

En 1936, un premier monument commémoratif en l'honneur de la première mission géodésique est construit avec l’aide du comité France-Amérique à San Antonio de Pichincha. En 1979, à l’occasion des 200 ans de l'expédition, une réplique 3 fois plus imposante est érigée à l’emplacement de la ligne équatoriale. Le monumento ecuatorial, haut de 30 m, est une pyramide carrée dont chaque face indique les points cardinaux correspondants. Le monument est implanté au sein d’un plus grand complexe nommé « la Ciutad de la Mitad del Mundo », reconstitution d’un village colonial. A l'entrée, le visiteur est accueilli par une allée de bustes représentant les scientifiques de la première mission géodésique. La ligne équatoriale, peinte en jaune, attire tout de suite l'œil et se fraye un chemin au travers des différentes attractions (restaurants, églises, aires de jeu). 

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El museo Intiñan :

Latitud 0;0;0  :

Situé à 200m de la Ciutad Mitad del mundo, le musée Intiñan (en langue indigène quichua : « inti », le soleil et « ñan », le chemin) se targue d’être traversé par la véritable ligne équatoriale dont l'emplacement aurait été calculé par GPS. En comparaison, la celle qui est tracée à la ciutad del mundo passerait 240 m au Sud (latitude 0 ;0 ;7,83) de la localisation avérée. 

 

Le musée Intiñan propose plusieurs expériences ludiques autour de la latitude 0,0,0. Ainsi, faire tenir un œuf sur une tête de clou serait particulièrement facile à cet emplacement précis. Marcher le long de la ligne donne une étrange sensation de déséquilibre.

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Attention néanmoins à ne pas se laisser berner par une expérience douteuse sur la  force de Coriolis

Force de Coriolis : toute particule en mouvement dans l'hémisphère nord est déviée vers sa droite (vers sa gauche, dans l'hémisphère sud).

Cette force détermine la direction de déplacement des masses d'air et est due à la rotation terrestre.

Bac d’eau à l’appui, les guides nous montrent l’eau s’écouler dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère sud et dans le sens inverse dans l’hémisphère Nord une fois le siphon retiré. Les scientifiques attestent que la création du vortex dans le bac n’est dû qu’à la conservation du mouvement angulaire et non à l’effet Coriolis qui est 1000 fois plus faible que les facteurs qui influencent la direction du drainage. Il est ainsi aisé d’influencer le sens de rotation par un discret mouvement de la main…

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Proteger la culture indigène :

Le musée a su profiter de la forte affluence touristique proche pour aborder des thématiques culturelles. Il s’est donné la mission de perpétrer et faire vivre la culture des peuples indigènes d’Equateur, ces peuples amérindiens qui habitaient le pays avant l’arrivée des conquistadores espagnols au XVIème. Ils représentent un quart de la population (environ 4 millions) et pratiquent à eux seuls une vingtaine de dialectes différents (le quichua par exemple). Ils sont regroupés autour de la Confédération des nationalités indigènes de l'Equateur (Conaie) qui fait entendre leurs revendications.

 

Les maisons traditionnelles :

Nous visitons une première habitation traditionnelle qui date de 1875. Nommée la chichería, la demeure appartenait à une certaine Rita Caiza supposément décédée à l’âge de 115 ans. La cabane est construite suivant la technique bareque : des bâtonnets d’eucalyptus et les feuilles d’agave d’Amérique entrelacés forment la structure qui est ensuite recouverte d’un mélange de boue, de paille et de fumier.

Il n’est pas rare de voir des enclos à cochon d’inde dans ces habitations. Dans les croyances indigènes, les "Cuyes" participent à maintenir l'harmonie de la maison. Lorsqu’ils sont calmes, la demeure profite d'une bonne énergie. Et si le gibier vient à manquer, il n’est pas rare que l’on cuisine ces petites bêtes !

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Le musée présente également une authentique hutte Huaorani construite par des représentants de la communauté, accueillis sur le site pour l’occasion.

Les Huaorani sont une des 13 nationalités indigènes officiellement reconnues depuis 1998. Ils sont environ 2000 à vivre isolés dans la forêt amazonienne sur un territoire de 680 000 hectares dans les parties les plus reculées de la province de Pastaza, Napo et Orellana. Leur langue, le Huao Tiriro, est étrangement distincte des autres dialectes d’équateur. Descendants de l'union d’un félin et d’un aigle selon leur propre croyance, la tribu est un peuple de chasseurs qui tire profit des ressources de la forêt : les singes et les toucans succombent aux fléchettes empoisonnées au curare lancées à la sarbacane.

 

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Malheureusement, le mode de vie des Huonari est fragilisé. La tribu doit en effet lutter contre la réduction de son territoire de chasse menacé principalement par l'extraction commerciale du pétrole et la construction de pipeline qui l'accompagne. La déforestation, migration des animaux au cœur de la forêt). Certains villageois ont décidé de saisir la justice afin d'obtenir que leurs territoires soient exclus des appels d'offres pétroliers.

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Le tutoriel de fabrication des tsantsa, curieux trophees mommifies :

Découvert avec horreur par les Occidentaux au XVIIème siècle, le rituel de réduction de tête est toujours pratiqué au sein de l’ethnie Shuar (que les conquistadores ont dénommé « Jivaros » c'est-à-dire les barbares).

Fabriquer une tsantsa (tête réduite) nécessite un savoir-faire ancestral. Les guides du musée nous présentent les différentes étapes.

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Une fois l'ennemi tué au combat, le cadavre est décapité. Une incision dans le cou permet de retirer la boîte crânienne et les yeux. Les fentes sont recousues pour piéger l’esprit vengeur de la victime (le muisak). La tête est alors plongée dans une préparation à base d’infusion d’herbes astringentes. Des pierres et du sable chaud sont glissés à l’intérieur pour parfaire le séchage. Un soin particulier est prodigué aux cheveux qui devront être protégés tout au long du processus et jamais coupés car ils représentent "le siège du pouvoir guerrier". A cette étape, la tête a perdu un quart de son diamètre. La tsantsa est ensuite suspendue au-dessus du feu, elle rétrécie progressivement et noircit. 3 à 4 mois seront nécessaires pour que la tête atteigne sa taille définitive d’un poing. 

La tsantsa est un véritable trophée que le vainqueur exposera en vue d’éloigner ses potentiels ennemis. Les formules et incantations récitées pendant la fabrication permettaient de faire passer l'énergie du guerrier dans le corps du confectionneur. Lors des fêtes, les jivaros portent leur tsantsa autour du cou.

A partir de 1860, les têtes réduites suscitent un engouement et une fascination extrême chez les européens. Véritable objet de collection, elles deviennent le symbole de la bizarrerie exotique. Conscients du potentiel que les tsantsa représentent, les Shuars échangent leurs précieux totems contre des armes à feu et machettes occidentales. Il n'en faut pas plus pour que la commercialisation des tsantsa devienne un vrai trafic. Les meurtres se multiplient entre les membres des tribus pour alimenter le marché tandis que les fausses têtes réalisées à partir de singes florissent...

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Tstansta d'un jeune shaman

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Terre equinoxiale, patrie du colibri,
de l’arbre à lait et de l’arbre à pain !
J’entends de nouveau dans les feuilles
le grincement de machine rouillee
de tes grillons et de tes cigales.

Je suis l’homme des perroquets :
Colomb me vit dans son île
et m’embarqua pour l’Europe
avec les oiseaux des Indes
sur son vaisseau charge
de tresors et de fruits

 

Je suis le possesseur de la cle du feu,
du feu de la nature cle pacifique
qui ouvre les serrures invisibles du monde,
cle de l’amour et du coquelicot,
du rubis primordial et de la grenade,
du piment cosmique et de la rose.

Douce cle solaire qui rechauffe ma main
par-dessus les frontières
tendue à tous les hommes :
ceux à l’epee prompte et à la fronde,
ceux qui pèsent sur un même plateau la monnaie et la fleur,
ceux qui fleurissent leur table pour fêter ma venue
et aux chasseurs de nuages, maîtres des colombes.

Ô terre equinoxiale de mes ancêtres,
cimetière fecond, receptacle de semences et de cadavres.
Sur les momies indiennes dans leurs jarres d’argile
et sur les conquerants dans leurs tombeaux de pierre
qui sans trêve sillonnent les âges
ayant pour seule compagnie quelque insecte musicien,
un même ciel etend son regard d’oubli.

Un nouveau Colomb appareille dans les nuages
tandis qu’explose, bref feu muet,
la poudre celeste de l’etoile
et que les cris alarmes des oiseaux
obscurement semblent interroger
le crepuscule.

Jorge Carrera Andrade 

Extrait de la Clé du feu, 1950

Sources : 

- Museo Intiñan. Consulté le 5 novembre 2020. http://museointinan.com.ec/ .

- « Qu’est-ce que le rituel des têtes réduites ? - Ça m’intéresse ». 2019. Ça m’intéresse - La curiosité en continu. 16 janvier 2019. https://www.caminteresse.fr/insolite/quest-ce-que-le-rituel-des-tetes-reduites-11103927/.

- « Cheveux chéris » : analyse d’une tête réduite jivaro ». s. d. Beaux Arts. Consulté le 6 novembre 2020. https://www.beauxarts.com/expos/cheveux-cheris-analyse-dune-tete-reduite-jivaro/.

- Rivet, Paul. 1913. « Préparation des « tsantsa ». » Journal de la société des américanistes 10 (1): 304‑5

- « LES INDIENS HUAORANI ». s. d. Consulté le 6 novembre 2020. http://www.horizonsmonde.com/articles/les-indiens-huaorani.

- Podjed, Dan, et Alenka Bartulović. 2012. « L’exposition des restes humains dans les musées slovènes : un problème éthique ». Ethnologie francaise Vol. 42 (2): 271‑80.

- « Equateur: la survie des peuples indigènes et de leur mode de vie authentique ». 2017. RTBF Info. 19 novembre 2017. https://www.rtbf.be/info/dossier/hors-des-sentiers-battus/detail_equateur-la-survie-des-peuples-indigenes-et-de-leur-mode-de-vie-authentiquetemporary-20171118113632?id=9766817.

- Le Monde.fr. 2006. « Huaorani, le peuple de la forêt », 7 juillet 2006. https://www.lemonde.fr/vous/article/2006/07/07/huaorani-le-peuple-de-la-foret_793049_3238.html.

- Nelson, Jimmy. s. d. « Les Huaoranis - Équateur ». Futura. Consulté le 6 novembre 2020. https://www.futura-sciences.com/sciences/photos/photographe-ethnies-monde-jimmy-nelson-15-photos-epoustouflantes-1065/photographe-huaoranis-equateur-7596/.

- « Un photographe vit une incroyable rencontre avec une tribu amazonienne qui chasse les singes ». 2017. Maxisciences. 23 janvier 2017. https://www.maxisciences.com/tribu/un-photographe-vit-une-incroyable-rencontre-avec-une-tribu-amazonienne-qui-chasse-les-singes_art39143.html.

- « Mitad del mundo ». s. d. Consulté le 6 novembre 2020. http://www.mitaddelmundo.com/es/.

- « Première Mission Géodésique: 1736-1743 ». 2015. Troisième mission géodésique (blog). 13 juillet 2015. https://troisiememissiongeodesique.wordpress.com/histoire/premiere-mission-geodesique-1736-1743/.

- Laurière, Christine. 2019. « Le Cadre la mission géodésique en Équateur ». In Paul Rivet : Le savant et le politique, 35‑70. Archives. Paris: Publications scientifiques du Muséum. http://books.openedition.org/mnhn/2383.

- « La forme de la Terre, d’Aristote aux satellites géodésiques ». s. d. Consulté le 6 novembre 2020. http://www.saga-geol.asso.fr/Geologie_page_conf_forme_Terre.html.

- Eduscol, Les mathématiques de l’enseignement scientifique, la forme de la Terre et les mesures à la surface de la Terre. http://cache.media.eduscol.education.fr/file/les_mathematiques_de_l_ES/34/5/RA19_Lycee_G_1_MATH_Enseignement-scientifique_MesureSurfaceTerre_1149345.pdf

- Futura, Delphine Bossy. s. d. « Dans quel sens tourne l’eau de l’évier à l’équateur ? » Futura. Consulté le 6 novembre 2020. https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/meteorologie-sens-tourne-eau-evier-equateur-5974/.

- La Force de Coriolis. 2020. https://www.youtube.com/watch?v=KiJ9xr8_GSI&t=129s.

- Cortier, Claude. 2001. « Relations avec la France, politiques éducatives et enseignement-diffusion du français en Équateur (XVIIle, XIXe et XXe siècles) ». Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, no 26 (juin): 9‑44.

- « Monuments - CIUDAD MITAD DEL MUNDO - Mitad Del Mundo ». s. d. www.petitfute.com. Consulté le 6 novembre 2020. https://www.petitfute.com/v56023-mitad-del-mundo/c1173-visites-points-d-interet/c937-monuments/341021-ciudad-mitad-del-mundo.html.

- « Musée - MUSEO DE SITIO INTIÑAN - Mitad Del Mundo ». s. d. www.petitfute.com. Consulté le 6 novembre 2020. https://www.petitfute.com/v56023-mitad-del-mundo/c1173-visites-points-d-interet/c958-musee/561393-museo-de-sitio-intinan.html.

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